Un air jazzy flotte dans le petit atelier au charme encombré de Fabrice Wambergue, niché au fond d’une cour à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Sur les étagères, des trompettes et des bugles aux lustres mats, cuivrés, argentés, font de la figuration. « C’est des vieilles épaves que je garde pour la déco. Certains ont un intérêt historique, mais la plupart sont en très mauvais état », sourit l’artisan de 54 ans. Ceux-là, il n’a pas prévu de les réparer tout de suite. Pour le reste de la pièce, c’est un autre chantier. Outils, pièces de rechange, cartons remplis de flacons s’étalent sur les murs et l’établi. Au sol, une muraille d’étuis se consolide de jour en jour. Y dorment trompettes, saxophones, trombones et autres instruments prêts à être récupérés par leurs propriétaires ou en attente de soins. En ce mois de juin 2025, la période est chargée. « Ça ne s’arrête plus en ce moment, j’ai énormément de commandes », s’excuse dans un sourire paré d’une généreuse barbe poivre et sel le réparateur d’instruments à vent. Épais tablier de toile passé sur un t-shirt, yeux ronds encadrés par d’épaisses montures noires, tatouage cartoonesque grimpant à l’intérieur de l’avant-bras, il tente de dégager un peu de place au milieu du barda. Derrière ce succès, le nouvellement labellisé Maitre artisan en métier d’art cache une carrière étonnante. Portrait.
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Une reconversion tardive
Avant de réviser, retaper, voire réinventer ses cuivres adorés, Fabrice Wambergue était ancien directeur adjoint en gestion de flux au sein d’une grande enseigne de prêt-à-porter. Au tournant des années 2010, la bascule est radicale. Malgré une situation financière très confortable et un poste prestigieux, le gestionnaire textile ne supporte plus son métier. « Je subissais des pressions hiérarchiques insupportables, de vraies violences. Je faisais des fausses attaques cardiaques, qui étaient en fait des crises d’angoisse. Je suis parti dans une logique de sauver ma peau, quitte à sacrifier mon salaire. »
Loin des cadences infernales du prêt-à-porter, il ne tarde pas à trouver sa nouvelle voie. « La musique a toujours été ma grande passion. J’adore le jazz, la musique afro-américaine, mais aussi la soul, la pop, le rock, le funk, le classique… », liste-t-il. Saxophoniste amateur, cela fait d’ailleurs un moment qu’il s’amuse à réparer ses propres instruments. « Au début, c’était de la petite maintenance. Puis je les ai démontés de plus en plus ».
Un jour, il revend en ligne un saxo, « une épave que j’ai refaite de A à Z ». L’acheteur, frais titulaire du seul CAP proposant une formation dans le domaine de la réparation d’instruments à vent, le contacte, lui demande qui a réparé la bête, puis le félicite pour le travail accompli. Un déclic. « Je me suis dit que si j’avais réussi à faire ça avec mes maigres connaissances, j’étais capable de faire ce métier ». Avec le chèque de rupture de contrat, il s’achète le matériel – très onéreux – nécessaire à sa nouvelle vocation. Pour la formation, il fait appel à un maître suisse qui lui apprend les bases en quelques jours. Et réalise le reste en quasi autodidacte. « J’avais la conviction que j’étais fait pour ça, que ça allait bien se passer », explique-t-il.
« Pour faire ce métier, il faut jouer »
En 2013, il ouvre Atelier W. Ses premiers clients, il les trouve grâce aux réseaux sociaux, Facebook, puis Instagram. « Je postais des photos de mes réparations, je » friendais « des musiciens… Instagram m’a ramené beaucoup de monde. Commercialement, c’est hyper puissant ».
Il a fallu deux ans au luthier vents pour se dégager un salaire. Entre musiciens, son adresse se refile de bouche-à-oreille. Des grands trompettistes frappent à sa porte. Il customise ou répare les pièces de musiciens d’Ibrahim Maalouf ou Cat Stevens, travaille avec l’artiste nigérian Seun Kuti, fils du créateur de l’afro-beat Fela Kuti dont le dernier album a été produit avec Lenny Kravitz, a la fierté de voir « ses » instruments utilisés lors d’enregistrements studio. Car avant de les restituer à son propriétaire, Fabrice Wambergue ne déroge pas au plaisir de souffler quelques notes. « Pour faire ce métier, il faut jouer, c’est obligatoire. Il y a énormément d’échanges avec le musicien, il faut pouvoir comprendre ses attentes ».
« Tout ce qui est difficile m’intéresse »
La trompette est son instrument fétiche. « Je la trouve fascinante par sa simplicité. Ce sont juste quelques morceaux de tuyaux et trois pistons. La sonorité est incroyable. D’un point de vue technique, elle a beaucoup évolué. Il n’y a pas de limite quand on travaille dessus. C’est beaucoup plus libre et foisonnant que le saxophone, qui reste un peu figé depuis les années 1950. Il y a une variété de trompettes folle. J’en vois beaucoup défiler dans mon atelier, mais il m’arrive encore de découvrir des instruments qui m’étonnent », estime le connaisseur.
Les « trucs complexes » l’attirent. « J’aime quand ça sort un peu de l’ordinaire, j’adore pouvoir fabriquer une pièce existante ou en créer une, customiser un instrument… Tout ce qui est difficile et technique m’intéresse. » Le tout, avec des finitions soignées et le souci du détail : une empreinte nacrée « ergonomique » sur le bouton d’un piston, une pièce inédite en hommage au graffiti ajoutée sur une trompette…
« Le métier demande beaucoup »
Aujourd’hui, il vit confortablement de son art. « Mais c’est sans commune mesure avec le prêt-à-porter !, rigole-t-il. Le métier demande beaucoup. C’est physique, on porte des choses lourdes, on ne compte pas les heures. Mais quand je suis en vacances, je m’ennuie ».
Distingué du titre de Maître artisan en métiers d’Art par la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) de Seine-Saint-Denis, Fabrice Wambergue ne cache pas sa fierté. Mais ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Mon objectif personnel est de devenir un jour Maître d’art, l’équivalent du Meilleur ouvrier de France pour un artisan. Il y en a 150 en tout, c’est vraiment trié sur le volet ». Cela suppose de trouver un apprenti, cette distinction s’obtenant en binôme. « Il y a une idée de transmission, de legs d’un savoir-faire », détaille-t-il.
En attendant d’obtenir ce prochain Graal, Fabrice Wambergue ouvre parfois les portes de son atelier à un public touristique éloigné de son univers – il a également obtenu le label « Artisan du Tourisme » de la CMA de Seine-Saint-Denis. Une manière de faire découvrir ce métier peu commun, dont le savoir-faire est reconnu à l’échelle internationale, à l’image des mythiques saxophones Selmer, considérés comme les meilleurs au monde. « On est une grande nation de facture instrumentale, c’est important de pouvoir montrer ce savoir-faire que nous possédons. »
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