S’il y a un secteur du 93 où l’héritage des Jeux de Paris 2024 est le plus massif, c’est bien celui de Saint-Denis et de l’intercommunalité Plaine Commune. Avec 2 800 nouveaux logements, des piscines et plusieurs passerelles qui ont permis de recoudre un territoire “balafré”, ce pôle Nord de l’agglomération parisienne entend prendre un nouveau départ, opérant une reconversion économique délibérément tournée vers le tourisme.
Du haut du 40ᵉ étage, le bar de l’hôtel H4 offre une vue panoramique imprenable sur la Plaine Saint-Denis et ses transformations. Juste en face, l’ancien Village olympique a déjà engagé sa reconversion en nouveau quartier de ville. Dès la fin octobre, les quais de Seine rouvriront au public. Fin 2025, le bitume du “transport mall” qui a servi a transporté les athlètes sur les sites d’épreuves pendant les Jeux laissera la place à un nouveau parc d’un total de 3 hectares à terme. Face ouest, le Centre aquatique olympique (CAO) surplombe le terrain encore vierge de la ZAC Plaine Saulnier. Au pied du gratte-ciel, la gare flambant neuve de Saint-Denis Pleyel et le franchissement urbain de Pleyel (FUP) ont ouvert en juillet pour enjamber quelque 40 voies ferroviaires. En investissant l’ancienne tour de bureaux Pleyel, l’hôtel H4, représente lui-même tout un symbole du renouveau de ce quartier de Saint-Denis.
“Pour nous, l’histoire commence. Il s’agit de montrer que ces Jeux olympiques et paralympiques auront été un vrai virage pour notre territoire et nous voulons pouvoir continuer d’utiliser cette mise en lumière positive sur Saint-Denis pour en faire un vecteur de développement“, commente Mathieu Hanotin, le maire (PS) de Saint-Denis et président de l’intercommunalité Plaine Commune.
“Cinq décennies d’héritage“
“Si c’était cinq semaines de jeux, ce sera cinq décennies d’héritage“, poursuit l’édile qui énumère les constructions nouvelles et les rénovations : le stade Auguste Delaune à Saint-Denis, le gymnase Guy Môquet à Aubervilliers, la Nef sur l’Ile-de-Vannes. “Tous ces équipements étaient au mieux très vieillissants, voire fermés comme la Nef. Maintenant, ils sont même augmentés en termes de mètres carrés sportifs praticables. D’ici à la fin octobre, tout cet héritage sportif du quotidien sera ouvert au grand public“, se félicite Mathieu Hanotin. Même bilan pour les piscines : entre Marville déjà ouverte au parc George Valbon, Camille Muffat d’ici à la fin septembre à Aubervilliers et encore le CAO pour lequel il faudra attendre juin 2025.
“recoudre la ville comme une forme de réparation de balafres“
“Pour un maire, faire de l’aménagement public dans un période comme pendant les JO avec l’outil de la Solideo c’est un peu une période rêvée”, confie-t-il. La ville elle-même s’est transformée. “Les jeux auront permis de recoudre la ville comme une forme de réparation de balafres qui ont été réalisées durant tout le 20ème siècle“, considère Mathieu Hanotin, en faisant référence à la passerelle entre Saint-Denis et l’Ile-Saint-Denis qui relie les deux parties de l’ex-Village des athlètes, à celle du CAO qui connectera le Stade de France au futur quartier de la Plaine Saulnier et celles qui enjambent le canal Saint-Denis : Lucie Bréard au Franc Moisin et Pierre Larousse à Aubervilliers, sans compter le FUP qui n’est pas à proprement un héritage olympique et dont la partie routière doit être achevé d’ici 2026. En plus du futur parc de 3 hectares de Pleyel, un autre de 2 hectares sera aménagé sur la ZAC de la Plaine Saulnier. Alors que l’aménagement de l’échangeur de l’autoroute A86 permet désormais “d’aller à pied de Pleyel au centre-ville de Saint-Denis“, deux autres “balafres” seront effacées avec la déconstruction des deux bretelles d’autoroute qui reliaient A1 à l’avenue Anatole France et à l’A86.
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Un pôle d’accueil touristique à Pleyel
Pour Mathieu Hanotin, “la mise en lumière des jeux est le meilleur top départ que l’on pouvait imaginer pour qu’on ne soit plus perçu comme un territoire qui demande des réparations, mais comme un nouveau modèle dans lequel on valorise notre potentiel“.
En ligne de mire, une stratégie économique centrée sur le tourisme avec le quartier Pleyel comme figure de proue. “Nous voulons nous positionner comme leader en Ile-de-France du secteur“, affirme l’édile. Les retombées en termes de fréquentation des jeux plaident en sa faveur. La ville de Saint-Denis affiche +199% de nuitées hôtelières par rapport à la même période en 2023, +60% à Saint-Ouen. Dans les sites culturels, l’afflux de touristes a également bondi, comme à la basilique Saint-Denis (+70%).
“Nous avons fait le choix de tourner la page de ce qui était prévu de construire ici : un nouveau quartier de bureaux. Cela ne correspondait pas à nos orientations et de toute façon la réalité du marché de bureaux nous auraient rattrapée“, explique le maire de Saint-Denis. Le but de la nouvelle ZAC Pleyel est ainsi de faire naitre “un quartier d’accueil, de tourisme, mais aussi de loisirs, culturel et ludique“.
Emblème de cette stratégie : la transformation de la tour Pleyel occupée aujourd’hui par l’hôtel H4 et ses 700 chambres. Mais, l’objectif est ambitieux. “Nous souhaitons créer entre 2 000 et 3 000 chambres supplémentaires d’ici à 2030 dans la zone Pleyel et du futur quartier de la Plaine Saulnier, et 5 000 à l’échelle de Plaine Commune“, détaille-t-il, ce qui doublerait les capacités d’accueil hôtelier du territoire.
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Tout l’intérêt est de créer de l’emploi. “50% des emplois créé au H4 sont occupés par habitants de Saint-Denis et Plaine Commune, soit 200 emplois sur les 400 emplois directs créés au sein de cet hôtel“, pointe Mathieu Hanotin. “Les choix de développement économique [précédents] n’étaient pas créateurs de valeur et donc d’emplois. On ne peut pas construire une perspective économique pertinente uniquement sur l’accueil de sièges sociaux, même si on est très heureux de voir arriver le ministère de l’Intérieur et la DGSI [ndlr, la direction générale de la sécurité intérieure”, souligne-t-il.
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“Le risque pour Saint-Denis n’est pas la gentrification, mais la paupérisation“
Quel sera l’impact de toutes ses transformations sur la sociologie de Saint-Denis et de Plaine Commune ? Mathieu Hanotin balaye le risque de gentrification qui inquiète ses opposants et certains habitants. “S’il y a bien un débat théorique, c’est celui de la gentrification. Saint-Denis compte 6 à 8% de CSP plus [catégories sociales aux revenus élevés], mais 52% de logements sociaux, 20% d’habitat indigne, 30% de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté, 4 000 personnes y relèvent de l’hébergement d’urgence… Le risque pour Saint-Denis ce n’est pas la gentrification ,c’est la paupérisation“, rétorque-t-il. “On ne construit rien de positif sur l’accumulation de la misère. Ce que nous voulons, c’est apporter des solutions pour chacun. On a très envie que des gens qui gagnent de l’argent viennent vivre à Saint-Denis. Mais, on a encore plus envie que les habitants “historiques” de Saint-Denis aient des solutions pour avoir envie de rester ici et que notre ville ne soit pas qu’une étape dans le parcours de ceux qui viennent de Paris ou d’ailleurs pour parfois faire un premier achat [immobilier]”, poursuit-il.
Cette même logique a présidé à la reconversion du village des athlètes où 2 800 logements sont déjà commercialisés. “25 à 30% sont des logements locatifs sociaux, dont une partie est dédiée à la reconstitution de l’offre des opérations de renouvellement urbain. 7 à 8% sont des logements proposés en accession sociale à la propriété“, précise Adrien Delacroix, adjoint au maire de Saint-Denis en charge de l’habitat. L’élu rappelle au passage que l’établissement public territorial Plaine Commune, qui regroupe neuf villes, a créé un Office foncier solidaire (OFS) pour promouvoir l’accession sociale à la propriété en bail réél solidaire. Sous condition de revenus, ce mécanisme permet à un ménage d’acquérir les murs d’un logement, l’OFS conservant le foncier.
“Nous aspirons à construire un modèle de ville de banlieue cosmopolite et multiculturelle, défend l’édile. En faisant cela, on aura le sentiment qu’on aura réussi à apporter une réponse à l’une des quadratures du cercle dans notre pays, à savoir : y a-t-il une place pour les banlieues dans notre République ?”
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